Le Banc S du Japon - Thomas Longuefosse | Ebeniste
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Le Banc S du Japon

Category
Création
Tags
collaboration artisanale, kumiko

A propos de Le Banc S du Japon

La génèse du projet

Ce banc est né de l’envie de partager mon amour de l’artisanat au delà d’échanges que j’ai

pu avoir sur internet avec des artisans que j’admire.

suite à un premier passage que j’ai réalisé dans les ateliers de Tosa Kumiko à Kochi au Japon

en 2022, dans lequel j’ai pu travailler aux côtés de Shiho Yasui et Daisuke Iwamoto, maître kumiko.

Avant mon voyage, j’ai découvert cet art ancestral japonais en autodidacte grâce à de la

documentation que j’ai traduis et ce n’est qu’ensuite que l’envie de collaborer physiquement

et directement avec un artisan japonais est née.

Fin 2022 j’ai emménagé à Kyoto ou j’ai pris des cours de japonais intensif pour

pouvoir échanger plus facilement avec Daisuke Iwamoto. Par la suite j’ai découvert son

atelier, ses projets, son organisation en allant travailler comme “ petite main ” à Kochi, et par

la suite j’ai pu proposer la fabrication de ce banc que j’ai dessiné lors de mon voyage.

La fabrication

Je disposais de 5 jours pour la réalisation du Banc S en utilisant du cyprès ( Hinoki ).

Dans un atelier qui n’est pas le miens à Kochi au Japon, avec des ébénistes qui ne parlent

pas anglais, en essayant d’incorporer des choses que je ne maîtrise pas à 100 pourcents

techniquement, comme la commande numérique et pas mal de machines stationnaires qui

me sont étrangères. Je disposais également de l’aide de Shiho Yasui et Daisuke Iwamoto lors des phase délicates comme les

collages afin que nous avancions plus rapidement et de ses conseils technique et

esthétiques, notamment sur l’épaisseur des baguettes de kumiko.

Origine du design

Bien que cela évoque le Japon, je voulais quand même faire honneur à l’ébénisterie française

en dessinant un confident.

définition :

Imaginé vers la fin du XIXème siècle, sous Napoléon III, ce siège de salon permet à deux

personnes en vis-à-vis de converser en toute discrétion, lorsqu’il y a 3 assises, on appelle

cela un  » indiscret « 

Pour la partie dentelle de bois, un premier passage à Tosa kumiko et Tanihata Kumiko m’a

permis de faire un tour de pistes d’un peu tous les motifs qui existaient, qu’ils soient

traditionnelles ou contemporains, j’ai pu en fabriquer une quantité de différents, pour voir un

peu les outils et les techniques qu’ils utilisent. Du Hagana traditionnelle ( rabot à angle ),

aux machines les plus modernes, en passant par les techniques européens du ciseaux à

bois, j’ai un peu tout essayé.

Ce que j’en garde, c’est que je ne vois pas un grand interêt à vouloir refaire les motifs déjà

existants dans mon travail. Les japonais font cela depuis des siècles et je les respecte trop

pour copier leurs idées. Le but c’est de plutôt développer ma créativité à partir de cette

technique.

Par contre ma différence vient du fait que je n’ai pas le poids de cette histoire sur les

épaules et que je suis libre de dessiner ce que je veux . Et c’est d’ailleurs quelque chose que

j’ai compris en parlant philosophie avec » Daisuke Iwamoto ». Pour que la

tradition puisse perdurer, il faut l’inscrire dans une nouvelle aire, sans quoi les clients vont

délaisser les kumikos et ce savoir faire va disparaître. Ne pas hésiter à sortir des sentiers

battus même si les anciennes générations ne voient pas toujours cela d’un bon oeil au début.

« Oh lala » ou « ほらら ?

digression :

Ce motif s’inspire de l’art déco et je lui ai donné le nom de « Oh lala » ou « » en

japonais parce que Rin Nishimori, une artisane de l’atelier m’a fait remarquer que je disais souvent  » Ohlala «

Comment ?

Plus techniquement parlant, la trame est carrée.

Ensuite il faut rajouter une diagonale ( deux coupes à 45 degrés ) et les 3 autres morceaux

qui viennent se bloquer à l’intérieur sont dessinés de sorte à ce que les pointes qui se

rejoignent aient toutes le même angle. L’ensemble est ensuite découpé manuellement à la

scie en suivant un gabarit réalisé au préalable.

La encore le but recherché était de pouvoir adapter cette technique à mon retour en France

pour que je puisse facilement les fabriquer avec mes machines.

Depuis que j’ai réouvert l’atelier ( décembre 2023 ) j’ai d’ailleurs eu l’occasion d’essayer de

nouveaux motifs que j’ai dessiné et cela fonctionne bien, même avec du chêne.

L’assise de ce banc est un verre posé en feuillure. il permet de profiter de la transparence

tout en gardant une solidité pour s’asseoir. Ainsi la dentelle de bois est toujours protégée et

n’est jamais en contact avec du poids.

Pour les formes courbes j’ai tout dessiné grâce à un logiciel de modélisation 3D, et utilisé

une machine numérique pour les découpes. Bien que je fais toujours des dessins 3D avant

chaque réalisation , c’est la première fois que j’utilisais une machine de ce type.

La richesse du partage artisanal

A première vue, ce n’est vraiment pas simple de travailler avec des inconnus, de s’adapter à

une organisation d’atelier différente, de comprendre les subtilités culturelles, de se frotter à

la barrière d’une langue aussi différente et de se mettre d’accord avec nos manières de

penser.

Néanmoins, j’ai été étonné de voir à quel point tout s’est passé aussi simplement et sans

accros et l’expérience a été plus qu’enrichissante.

Ce qui m’a le plus frappé à travers cette expérience, c’est de voir qu’il y a différentes formes

de language.

Bien que je commence à avoir un petit niveau en japonais, c’est loin d’être suffisant pour se

mettre d’accord sur les détails très pointus, et à de nombreuses reprises avec un petit

crayon et un papier, on a eu aucun mal à se mettre d’accord avec Daisuke parce que lui

comme moi, nous rencontrons les mêmes problématiques dans notre quotidien d’artisan, lié

à l’utilisation du bois qui est un matériaux vivant. On a utilisé beaucoup d’onomatopées et de

gestes pour signifier qu’on allait utiliser telle ou telle outil, couper le bois dans ce sens la,

puis coller de cette manière … Nous étions nous même étonnés de nous comprendre si bien.

L’artisanat c’est comme la musique, on peut vivre à des milliers de kilomètres, échanger

avec assez peu de mots mais pourtant se comprendre et composer ensemble.

Le banc S a été exposé à Tokyo lors d’un événement organisé autour des métiers d’art en

octobre 2023.